Lettres pour Georg et Gustav [N°2]

Pour Georg : http://images.imagehotel.net/285a61d0a7.gif


Pour Gustav : http://images.imagehotel.net/f5a4ae8ba7.gif

Gustav rentra les mains dans les poches en chantonnant un air de Feeder.

C'était une journée plutôt banale, trop même. Rien ne s'était passé, le batteur n'avait vu aucun membre du groupe de toute la journée.
Il n'avait d'ailleurs aucune idée de l'endroit où ils étaient. Qu'importe, malgré le mauvais pressentiment qui ne lâchait plus l'esprit de Gus', il posa son nano et son portable sur la table basse du salon et alla se chercher un verre (d'eau ^^) dans la cuisine, ne se souciant même pas de savoir si son colocataire était dans les lieux. Tout en se servant, Gustav se demanda, sans aucune raison particulière, peut-être par instinct, si il ne devait tout de même pas appeler l'un de ces trois amis. Quelque chose l'angoissait.

-Pfff... N’importe quoi...

**Tu es trop protecteur mon vieux!**

Le jeune homme se sentit tout un coup un peu ridicule.
Enfin... au fond de lui il savait que se sentir ridicule servait à le rassurer.
Il alla donc dans le salon et s'assit dans le canapé, bu une gorgée et se pencha vers la table basse sur laquelle il avait jeté son portable deux minutes plus tôt pour téléphoner à Georg. Tom était sans aucun doute avec une fille et Bill... lui, il y avait encore moins de chance de l'avoir au bout du fil. Il ne répondait jamais. Il disait toujours qu'il n'entendait pas son portable sonner mais Gus' savait parfaitement que le brun avait souvent besoin de solitude, de se sentir à l'écart.

Là, le batteur fut brusquement arrêté en plein mouvement. En une fraction de seconde son sang se glaça, un frisson le parcourut. Sa main se mit à trembler, faisant de petites ondes dans le liquide contenu dans le verre. Il posa doucement celui-ci près de ce qu'il venait de voir: l'écriture de Bill.
Mille et unes choses passèrent par la tête de Gustav; son mauvais pressentiment, qu'il avait depuis si longtemps, trop longtemps... Il aurait dû y prêter attention plus tôt. Bill avait fait une connerie c'était sûr. Ou il s'était passé quelque chose de grave.
Gus' ferma les yeux, si il lui était arrivé quelque chose, il s'en voudrait toute sa vie. De toute façon il savait à peu près ce qu’il allait trouver. Il aurait dû faire quelque chose, le protéger. Pourquoi n'avait-il pas ouvert les yeux sur la réalité?

C'était insupportable; pendant un moment, Gustav se sentit paralysé, tétanisé par ce qu'il allait découvrir. Il se décida enfin à rouvrir les yeux et à prendre une des deux lettres dans les mains. Il la déplia un peu plus et lu d’abord son nom.
L’écriture de Bill était fluide, claire et simple mais l’encre était aussi noire que les mots. Les premiers donnèrent l’envie à Gus’ de se jeter au fond de la mer : « Les derniers jours passés en ta compagnie... ».
Puis vinrent les autres... « Une maladie... » « Tout ce que je désirais c’était de mourir... »
Et là... des larmes naquirent dans les yeux du batteur, les premières depuis... tant d’années.
C’était trop dur de faire face à la réalité qui était écrite dans cette lettre... Mais pourquoi n’avait-il rien vu ?! Pourquoi était-il aussi froid, pourquoi n'était il pas intervenu?
A quoi servent les amis si ils ne vous tendent pas une main quand vous plongez lentement et inexorablement dans le fond?
Il fallait continuer à lire, pour se faire mal, c’était tout ce que Gustav méritait en cet instant. Avoir mal. Pour se punir d’avoir fermé les yeux sur les problèmes de son meilleur ami, pour n’avoir rien fait, pour toutes ses fautes, pour toutes ces fois où Bill avait eu besoin de lui.
Il avait été abandonné, trahi, souvent humilié par celui qu’il considérait comme son ami. Mais personne ne méritait l’amitié de Bill...
« Restes le garçon protecteur que j’ai toujours aimé »
...Ni même sont amour d’ailleurs.
« Ton ami... Bill »

-Moi aussi je t’aime...

Gustav laissa la lettre tomber à ces pieds et éclata en sanglot. Il enfouit sa tête dans ses mains. Fou de colère après lui. « Ton ami... », il avait ces mots gravés dans sa tête. Gustav avait été un monstre d’égoïste, comment Bill pouvait il le porter dans son cœur et le considérer comme son ami ?

**Tu n’es qu’un monstre...**

-NEIN !!!

Gustav se leva brutalement et prit son verre. Il le jeta violemment contre un mur, éparpillant ainsi des éclats de verre sur le sol. Il avait le souffle court, n’arrivait plus à respirer, angoissé. Où était passé Bill ? Il fallait à tout prix le retrouver.
Ca ne pouvait pas se finir comme ça, pas maintenant...

C’est dans un café que Georg avait passé son après-midi. Il avait d’abord prit un déca après avoir été acheté un sandwich au marchant du coin. Puis, sentant le temps passer, et surtout n’ayant rien à faire, le jeune homme commanda une bière, puis une autre, et encore… Mais non, il était encore lui même à la fin de la journée, pour cause : il avait passé trois heures à boire trois verres. L’alcool n’ayant de surcroît pas beaucoup d’effet sur lui, c’était parfaitement sobre que Georg rentrait chez lui, dans son appart’, qu’il partageait avec Gustav.

Le jeune musicien marchait lentement sans vraiment savoir s’il avait envie ou pas de retourner chez lui. Il ne faisait pas très froid dans la rue, c’était même assez agréable de s’y promener. Mais le bassiste ne pouvait pas profiter de la douceur de l’air : il était très préoccupé. En effet, depuis quelque temps, son meilleur ami Bill n’était pas au meilleur de sa forme. Et c’était maintenant tous les soirs que Georg rentrait en appréhendant la seconde où il aurait des nouvelles du chanteur. Jusqu’à présent, rien de bien méchant, simplement des petits coups de blues. C’est normal pour un ado de son âge, en plus pour quelqu’un dans sa situation, enfin… quelqu’un qui se pose beaucoup trop de questions.

Le bassiste entre la clé dans la serrure, puis la tourne. Tiens, Gustav serait-il déjà rentré ? Pourquoi pas, les emploi-du-temps n’étant pas très réguliers dans leur groupe, il était possible que le batteur ait déjà rejoint son chez-lui. Retirant la clé puis la glissant dans sa poche, Georg entr’ouvra la porte dans un léger grincement. Rien. Aucun bruit. Enfin si, des bruits de respiration haletante, presque de sanglots. Le cœur du jeune homme commença à battre de plus en plus vite, jusqu’à ce que des gouttes de sueur coulent de la chevelure du bassiste. Ce n’était pas dans les habitudes de Gustav de pleurer comme ça, tout seul dans l’appart’, c’était donc quelqu’un d’autre qui s’était introduit dans le duplex.

*Chut, doucement, oui c’est ça… encore un peu…*

Doucement, Georg glissait tel un chat sur le sol afin de rejoindre au plus vite le salon. Il arriva enfin à quelques centimètres de l’ouverture. On aurait dit, une personne qui s’énervait, de plus en plus, dont la colère et la tristesse emplissait peu à peu le cœur. Non, ce n’était vraiment pas le style de Gustav de pleurnicher comme ça dans le salon. Peut être regardait-il un film triste, mais à ce point là ! En plus, il n’y avait aucun autre son à part les sanglots et les hoquets. C’est alors que Georg passa la tête à travers l’encadrement de la porte qui donnait sur le salon…

CLANG !

Non ! C’est en entendant ce bruit de verre cassé que Georg déboula dans la pièce. Verre cassé… Oui, il y en avait partout par terre. Il y avait un peu de Gustav qui traînait aussi, mais sur le canapé par contre. Le bassiste observa la scène. Un salon, du verre éclaté au sol, un léger pet dans le mur, un canapé sur lequel s’étalait un Gustav aux yeux rougis par le liquide lacrymal et tenant en sa main droite un bout de papier écrit à la main, et sur lequel s’allongeait une écriture manuscrite fine. Il y avait aussi une autre lettre semblable sur la table, mais celle là n’avait pas l’air d’avoir été dépliée. Hélas, la situation était évidente : la lettre annonçait une mauvaise nouvelle, Gustav n’avait pas apprécié et avait fracassé son verre contre le mur. Une novelle, mais quelle nouvelle ?...

Sans prononcer mot, le guitariste s’approcha de la table basse sur laquelle reposait la lettre qui sans doute lui était destinée. Il n’avait pas envie de la lire, vraiment pas. Mais il le fallait, Gustav avait bien affronté cette épreuve. C’est avec appréhension que Georg attrapa la lettre, et la déplia sans bruit. « Georg… » Bill écrivait bien… « troubles psychologiques » comment ça ?... « renfermer mon esprit sur le côté sombre des réflexions »…

-Quoi ? Je ne comprend pas…

*« Malade, gravement malade »… Mais Bill, que t’arrive-t-il ? « Décès » ? Quoi ? Nein ! Bill …*

Au fur et à mesure que la lettre défilait sous les yeux de Georg, son cœur battait de plus en plus rapidement. Il était sur le point d’éclater. Il ne comprenait vraiment pas cette lettre et appréhendait la suite. Jusqu’à ce qu’un mot résonne dans sa tête.

*Décès, décès, décès, DECES*

-NEIN !

Toute la puissance de son corps alors réunie dans ses poignets, Georg empoigna la feuille tellement fort que ses doigts percèrent le papier, avant de le séparer en deux, provoquant ainsi une déchirure sonore. Une larme coula le long de la joue du jeune homme rougie par la colère, avant que celui-ci ne s’effondre sur le sofa. Lâchant les deux morceaux de lettre, il essaya de reprendre son calme et de réfléchir un peu à toutes ces funestes informations qui venaient de pénétrer dans son cerveau. « A jamais… » Peut être Bill avait déjà mit fin à ses jours ? Mais, vraiment pas, non Georg ne comprenait vraiment pas pourquoi le chanteur avait cette idée mortuaire dans la tête, d’autant qu’il n’était pas le seul gay sur la planète ! Ce ne devait pas être à cause de ça, ou alors c’était très bête de sa part. Peut être doutait-il de ses amis ? Il n’avait pas beaucoup parlé depuis quelque temps, mais le bassiste s’en voulait de l’avoir à ce point ignoré. Mais, ce qui était dit était dit, et à cela les pauvres Gustav et Georg ne pouvaient rien faire. Tiens, c’est vrai il est là ce Gus, mais qu’en pense-t-il ?

-Gus’, que… t’en penses quoi… ? Je veux dire… que va-t-on faire à présent… ?

*Quelle question débile, mon pauvre…*

Le soleil se couche sur la ville de Hambourg, et, sur la vie de Bill…

Gustav était toujours en colère après lui. Il se sentait hors de lui, le contrôle lui échappait totalement. Le sol se dérobait sous ses pas, il n'avait plus aucun pouvoir sur les choses et tenter de retrouver Bill ne servirait à rien. Le chanteur était beaucoup trop intelligent pour ça.
Et cette maladie... dont personne ne savait rien...
Bill était il alors condamné? Peut-être souhaitait il mettre fin à ses jours par lui même.
Gus' avait peur, peur de ne retrouver que le corps sans vie de son meilleur ami gisant dans son propre sang qu'il aurait fait lui même couler de ses veines. Cette image était atroce et pourtant si vive dans la tête du batteur.
Georg arriva dans le salon. Gustav baissa la tête mais pleurait toujours, ne cherchant même pas à cacher les larmes qui coulaient le long de ses joues. Elles étaient légitimes, comme une punition.

**Tout est de ta faute, tu es pitoyable, méprisable... tu croyais peut-être être un ami pour Bill. Mais regarde ce que tu as fait, regardes ce que tu as fait de votre amitié. Tu as tout gâché sombre crétin...**

Cette petite voix était insupportable car il semblait à Gustav que c'était une vérité dure, certes, mais vraie. Non mais c’était insensé... Mais comment pouvait on être assez lâche et hypocrite pour fermer les yeux sur tant de problèmes, tant de mal être. Comment avait il put laisser Bill se noyer seul dans l’eau glacée de tant de solitude ?! Il avait été prisonnier, toutes les portes lui avaient été restées fermées. Et comment avait il fait pour supporter ce poids sans montrer aucun signe de souffrance, sans pousser aucuns cris de douleur ?

**Quel idiot tu fais... bien sûr qu’il a crié, il a appelé à l’aide mais ces cris n’ont reçu que des échos comme simples réponses.**

Toutes ses mains que Bill lui avait tendu sans même que Gustav tente de l’aider...
Georg avait à présent sa lettre dans les mains. Lui aussi semblait pétrifié. Les mots devaient probablement lui déchirer le cœur. Celui de son colocataire était en miette, réduit à néant.
D’autres larmes coulèrent, mais cette fois dans les yeux du bassiste. Alors lui aussi savait la nouvelle maintenant ?! Cela ne faisait aucun doute : Un bruit de papier déchiré vint briser l’insupportable silence qui n’était ponctué que du souffle court des deux amis.
Puis Georg s’écroula sur le canapé. Lui aussi pleurait. Georg et Gustav pleurer un jour ensemble ?! Qui l’eut cru ?! Personne. Mais la situation justifiait ces pleurs.
Une phrase brisa le nouveau silence qui s’était installé dans l’appartement sombre. Sombre à cause du soleil qui se couchait... Il sembla un instant à Gustav que celui-ci ne se relèverait plus jamais. Cela n’avait plus d’importance. Si Bill s’éteignait en même temps que la lumière du jour, Gus’ n’avait plus aucune raison de se lever et de vivre. Tout pouvait disparaître autour de lui si Bill mourait car plus rien ne serait à perdre.

-Gus’, que… t’en penses quoi… ? Je veux dire… que va-t-on faire à présent… ?

Cette question mit le jeune homme hors de lui. Il venait soudainement de prendre conscience des choses. Ce n’était pas que de sa faute. Tom et Georg aussi étaient coupables. Toutes ces fois où ils avaient lamentablement humilié Bill, où ils l’avaient traité comme un moins que rien, l’enfonçant plus bas que terre. Ils avaient été immondes. Bien sûr Gustav ne prenait pas part aux moqueries, il se contentait de ricaner. Mais c’était un comportement tout aussi méprisable. Des images défilèrent dans la tête du jeune homme, les fois où ils étaient tous les quatre à table et que le chanteur, en bout de table, faisait front contre toutes les insultes, dites sur le ton de la plaisanterie mais tout de même blessantes.
Ou la fois où, en boîte, une fille était venu se frotter contre le pauvre Bill, complètement paralysé. Ses trois « amis » s’étaient contenté d’exploser de rire et l’avait laisser seul sans aucun soutien.
Pire, lorsqu’ils passaient dans la rue et qu’un beau garçon croisait leur chemin, Bill baissait la tête et rougissait parfois, terriblement gêné alors que son propre jumeau, Georg et Gustav se tenaient les cotes à force de rigoler.
Ils étaient tous les trois les seuls responsable du malheur du brun.

Gustav se leva lentement du canapé, les poings serrés. Il regarda un moment par la baie vitrée du salon puis répondit :

-Que va-t-on faire à présent...

Puis il fit brusquement volte face et lançait un regard foudroyant au bassiste, toujours assis.

-Tu veux savoir ce que j’en pense ?!!?!

D’un bond, Gustav se jeta sur Georg. Tous deux passèrent par-dessus le canapé qui bascula en arrière avec eux. Le batteur était à califourchon sur son ami et le ruait de coups en pleurant toutes les larmes de son corps. Il criait, hurlait même, extériorisant toute sa haine qu’il avait contre lui et contre le monde entier. Il ne pouvant cesser de frapper et mêlait le sang aux larmes.

-T’ES QU’UN ENFOIRE ! C’EST DE TA FAUTE ESPECE DE PETIT CON !!!
C’ETAIT A TOI DE MOURIR PAS A LUI ! C’EST TOI QUI MERITAIS CA !!!

Ses mots dépassait sa pensée ; Gustav continua à frapper pendant plusieurs dizaines de secondes puis frappa sur le sol, faisant un léger trou dans le parquet.
Le poignet en sang il finit par se reculer et s’adossa contre le mur. Il ferma les yeux et lâcha une plainte de désespoir. Jamais il n’avait pleuré aussi fort. Tout son corps était crispé, tendu par la colère. Sa respiration était de plus en plus saccadée. Gus’ frappait nerveusement l’arrière de sa tête contre le mur. Il avait froid, envie de mourir. Il aurait tout donné pour être à la place de Bill. C’était tellement injuste...